Entre mardi 17h et aujourd’hui 12h30, l’Assemblée nationale a débattu, amendé et voté pendant 3 jours l’ensemble des articles du projet de loi Orientation et réussite des étudiants dont j’étais le rapporteur.

Ce texte est avant tout un texte de progrès social et c’est ce que je tiens à saluer. Saluer également le travail de la Ministre Frédérique VIDAL qui a su, grâce à la concertation de cet automne, prendre les bonnes décisions pour les étudiants. L’Assemblée nationale ne s’est pas trompée et, au-delà des postures de l’opposition insoumise notamment, a rendez-vous mardi prochain pour le vote solennel de la loi.

Retrouvez ci-dessous la retranscription de mon discours d’introduction avant la discussion générale :

M. Gabriel Attalrapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure pour avis, chers collègues, « Aujourd’hui, il y a une foule de filières mal distinguées et il faut être très averti pour échapper au jeu des voies de garage ou des nasses, et aussi au piège des orientations et des titres dévalués. Cela contribue à favoriser un décrochage certain des aspirations par rapport aux chances réelles. » Cette phrase ne date pas d’aujourd’hui. Elle a été prononcée par Pierre Bourdieu il y a quarante ans.

L’inégalité des jeunes face à la réussite dans un environnement scolaire et universitaire complexe, l’obstacle qu’elle constituait à la réalisation de leurs aspirations étaient déjà clairement posés. Depuis quarante ans, que s’est-il passé ? Le nombre d’étudiants inscrits dans le supérieur a été multiplié par trois.

Aujourd’hui, la France en compte 2,6 millions. L’enseignement supérieur a poursuivi sa massification, et c’est heureux, parce que cela a permis, hier comme aujourd’hui, à une pluralité de profils, de talents et d’origines de contribuer à la réussite de la France.

L’université est un lieu magnifique : un lieu d’histoire, où se succèdent chaque jour des recherches, des découvertes, des performances ; un lieu d’épanouissement intellectuel et culturel ; un lieu de rencontres, de vie en commun, de solidarité, d’engagements associatifs et sportifs.

Cette promesse d’épanouissement est-elle accessible à l’ensemble des jeunes Français ? À cette question, les chiffres répondent d’eux-mêmes : le taux d’échec est de 60 % en première année de licence ; 20 % des étudiants quittent chaque année l’enseignement supérieur sans diplôme. Ce sont autant de personnes qui ont perdu du temps, bien souvent leur motivation, et parfois la confiance en soi.

La très grande majorité des étudiants concernés ne l’est pas par le fruit du hasard, mais par déterminisme. Ce sont ceux qui ont été les moins armés pour réussir. Ceux qui n’ont pas le même bagage que les autres, le même capital social, culturel, familial, pour savoir comment s’orienter, où réussir et comment réussir.

Cet échec de masse ne plonge pas seulement les jeunes concernés dans l’incertitude et l’inconnu, mais il conduit nombre de bacheliers généraux à se tourner vers des filières courtes, les brevets de technicien supérieur – BTS – et les instituts universitaires de technologie – IUT –, qui, du fait de leur sélectivité, renvoient – à tort – une image de plus grande excellence. De ce fait, les bacheliers professionnels et technologiques, peinant à trouver des places disponibles au sein de ces filières, se tournent vers les licences générales, où leur taux d’échec oscille entre 95 et 98 %.

À cette dure réalité, il convient d’ajouter un autre échec : celui des pouvoirs publics, des gouvernements qui se sont succédé depuis deux décennies.

Ils ont échoué à anticiper la pression démographique liée au baby-boom de l’an 2000. Cela fait dix-huit ans que nous savons cette génération plus nombreuse que les autres, dix-huit ans que nous la voyons évoluer dans l’enseignement scolaire, dix-huit ans que rien n’a été anticipé.

Les bacheliers de 2017 ont durement payé le prix de cet oubli. La plateforme APB, qui constitua, lors de sa mise en place, un progrès pour l’affectation dans le supérieur, est ainsi devenue le support de la pratique la plus injuste et la plus arbitraire qui soit : le tirage au sort. J’ai rencontré cet été dans ma circonscription, à Issy-les-Moulineaux ou à Vanves, plusieurs familles dont les enfants avaient mûri un projet, parfois obtenu leur bac avec mention, et se sont retrouvés sans aucune solution, plongés dans le désarroi et l’inconnu.

C’est cette situation inacceptable qui a conduit le Président de la République à demander au Gouvernement de conduire une réforme tournée vers l’orientation et la réussite des étudiants dans le supérieur, avec une méthode qui est la marque de ce gouvernement et de cette majorité : la concertation, avec onze groupes de travail, cinquante-cinq réunions de l’ensemble des acteurs du supérieur et du secondaire, des centaines d’heures de travail. Vous êtes parvenue, madame la ministre, à donner à cette pluralité d’acteurs la capacité de s’exprimer, et je veux une nouvelle fois vous féliciter pour cette concertation remarquable.

Le rapport du recteur Filâtre a su rendre compte de la richesse de ces échanges. Le plan Étudiants que vous avez présenté le 30 octobre, madame la ministre, est directement issu de ces travaux. Il garantit aux jeunes que leur avenir ne sera plus déterminé par tirage au sort et par un algorithme, en remettant de l’humain dans le processus d’affectation. Il leur donne des outils nouveaux pour réussir, de leur orientation au lycée à la personnalisation de leur parcours dans le supérieur. Il permet des progrès solides, concrets, dans leur vie quotidienne, qu’il s’agisse de leur santé, de leur logement, de leur mobilité ou de leur pouvoir d’achat. En somme, il vise à redonner confiance à tous les jeunes qui entendent poursuivre leurs études dans le supérieur.

Le projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants, dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur, constitue le socle législatif qui permettra à ce plan de se déployer. Pour préparer son examen, nous avons fait le choix d’anticiper. Un groupe de travail associant un représentant de chacun des groupes a été mis en place dès le lendemain de la présentation du plan, plusieurs semaines avant la transmission du projet de loi au Parlement. Je tiens à remercier chacun des participants.

Sans posture ni sectarisme, sans totem ni tabou, nous avons procédé à près d’une quarantaine d’auditions ou tables rondes, entendant près d’une centaine de personnes. Chacun des groupes a ainsi pu bénéficier du même niveau d’information et d’un accès égal aux différents acteurs concernés par la réforme pour préparer l’examen de ce texte.

Ces auditions, tout comme nos débats en commission, ont montré que nous partagions au moins deux grandes certitudes : il est nécessaire de sortir du tirage au sort, parce qu’il est injuste et arbitraire ; il faut faire plus et mieux pour l’information donnée aux lycéens, leur orientation puis leur accompagnement dans le supérieur. Nous savons que c’est entre bac – 3 et bac + 3 que tout se joue, et nous devons faire en sorte que le secondaire et le supérieur dialoguent, avec pour seul objectif la réussite des étudiants.

Certains affirment que le projet de loi masque une sélection qui ne dit pas son nom. D’autres, au contraire, regrettent que la majorité n’ait pas fait le choix de la sélection. Aux débats sémantiques, je préfère les faits.

Non, notre choix n’est pas de fermer les portes de l’université, bien au contraire.

Notre pays manque d’étudiants en master et en doctorat. Il doit pourtant élever son niveau de qualification pour former des jeunes aux nouveaux enjeux, aux nouveaux métiers, et les insérer durablement dans l’emploi. Le défi est donc de faire réussir le plus grand nombre en licence pour permettre à ceux qui le souhaitent de poursuivre leurs études.

Oui, notre choix est bien d’informer les bacheliers de la réalité concrète que recouvre une mention de licence souvent vague, et de leur proposer un accompagnement pédagogique dans le cas où leur parcours et leur formation ne leur permettraient pas de remplir l’ensemble des attendus nécessaires pour réussir dans cette filière.

Ces débats nous animeront dans les jours à venir. Je souhaite que nous les menions dans le même esprit constructif que celui qui a présidé à nos travaux en commission, et qui a permis, chose rare pour être soulignée, l’adoption d’amendements venant de l’ensemble des groupes.

Ces derniers ont permis d’enrichir considérablement le texte. La commission a ainsi adopté trois amendements visant à renforcer la sécurité, la lisibilité et la transparence du dispositif.

La sécurité est donc renforcée avec l’inscription dans la loi d’un cadrage national des attendus. Celui-ci servira de référentiel aux établissements qui fixeront les attendus propres à leurs filières, en évitant à la fois le risque de concurrence entre établissements et le risque d’inégalités sociales dans l’accès au supérieur.

La lisibilité, ensuite, est garantie, avec l’obligation faite à l’ensemble des formations d’enseignement supérieur d’être inscrites sur la nouvelle plateforme d’ici à 2020 – certains établissements n’étaient pas présents sur APB.

La transparence prévaudra, enfin, avec la publication de plusieurs éléments d’information essentiels. Chaque année, le ministère de l’enseignement supérieur publiera les résultats par académie de la commission d’affectation présidée par le recteur pour les bacheliers qui n’auraient obtenu aucun de leurs dix vœux. Par ailleurs, dans trois ans, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur les effets concrets de la réforme, depuis l’orientation au lycée jusqu’à la personnalisation des parcours dans le supérieur en passant par les nouvelles modalités d’affectation. Ce rapport constituera une base utile aux travaux qui seront menés par le Parlement dans sa mission d’évaluation de la loi.

Nos travaux en séance publique doivent nous permettre de poursuivre dans cette voie. Je présenterai ainsi plusieurs amendements. Deux d’entre eux me semblent particulièrement importants.

Le premier, que je défendrai avec Christine Cloarec, rapporteure pour avis, concerne la nouvelle « contribution vie étudiante ». Le projet de loi prévoit trois montants distincts de contribution, de 60 euros en licence à 150 euros en doctorat. L’objet de cette contribution étant de financer une offre liée à la vie étudiante sur les campus, en matière culturelle, sportive et de santé, offre qui sera accessible de la même manière à l’ensemble des étudiants, il nous semble plus à propos de ne prévoir qu’un seul montant, fixé à 90 euros, pour l’ensemble des étudiants. Je rappelle que la suppression de la cotisation à la Sécurité sociale des étudiants apporte un gain de pouvoir d’achat de 217 euros.

J’ai par ailleurs déposé un amendement visant à exonérer de la « contribution vie étudiante » les étudiants réfugiés ou demandeurs d’asile. Il me semble que, du fait de la difficulté de leur situation, très précaire, ils n’ont pas à s’en acquitter.

Le second amendement est justement lié à la suppression du régime étudiant de Sécurité sociale et au rattachement des étudiants au régime général de l’assurance maladie, dont le conseil d’administration prévoit aujourd’hui la représentation en son sein des seuls syndicats de salariés. Avec l’affiliation de plusieurs millions d’étudiants, il me semble légitime que ces derniers puissent eux aussi y être représentés. Ils pourront ainsi faire remonter d’éventuelles difficultés constatées sur le terrain dans l’affiliation et participer à la construction de politiques et de messages de prévention en direction des jeunes. Nous savons en effet que la prévention par les pairs a du sens.

Mes chers collègues, ce projet de loi, résolument tourné vers la réussite des étudiants – de tous les étudiants – constitue un progrès majeur pour notre système d’enseignement supérieur. Il est l’une des pièces maîtresses d’un édifice plus large, dont les plans constituent le cœur du projet défendu par le Président de la République, le Gouvernement et la majorité : celui de l’émancipation.

La rénovation profonde de la voie professionnelle, de l’apprentissage, du baccalauréat et la réforme de la formation professionnelle sont autant de chantiers qui, avec ce projet de loi et le plan Étudiants, poursuivent un seul et même objectif : garantir à chaque enfant de France, quels que soient son origine, son milieu social et son lieu de résidence, qu’il pourra s’épanouir et réussir, et, à travers lui, faire réussir notre pays. C’est fort de cette conviction solidement ancrée que j’aborde nos débats. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)

 

jeudi 14 décembre 2017

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